
Introduction
Récemment, j’ai appris dans un article que la Guadeloupe et la Martinique résident dans le top 10 mondial des territoires où se vendent le plus de voitures neuves… juste derrière les USA et devant la Chine. Je ne sais pas toujours comment réagir quand je lis ce genre d’article…
Dois-je être fière ou au contraire, me poser les bonnes questions ?
– Comment deux territoires insulaires, économiquement fragiles, dans un contexte de vie chère, concurrencent-ils avec les grandes puissances ?
– Comment deux territoires insulaires s’illustrent toujours (encore et encore) comme des champions de la consommation ? (quid du champagne, qui peut provoquer chez moi le même débat).
– Et si ce n’était pas seulement une question de transport mais plutôt de culture, celle de la consommation, celle du paraître ?
À première vue, je dirai qu’ il y a un paradoxe aux Antilles :
La Guadeloupe ou la Martinique, c’est une population près de 1 000 fois inférieure à celle des USA et près de 4 000 fois plus petite que celle de la Chine. Ce qui n’est pas rien en soi. D’un côté, on a des territoires petits, microscopiques, avec un chômage élevé, une économie très fragile, et de l’autre, un taux de consommation automobile mondialement élevé. Alors, je ne nie pas que les problèmes de mobilité sont bien réels : les transports en commun sont peu fiables, parfois inexistants en fonction du lieu d’habitation. Sans voiture, c’est galère. Mais il est tout aussi connu que le crédit à la consommation pour une voiture est l’un des plus accessibles aux Antilles, peu importe le montant. Alors, est-ce un besoin logistique ou une quête de reconnaissance sociale ?
Dans cet article (dont j’ai mis le lien en fin de page), les chiffres ou l’analyse me semblent trop neutres. On présente cela comme positif, voire normal, sans s’interroger sur les implications culturelles ou financières. J’ai donc choisi de livrer ma propre analyse, nourrie de recherches mais aussi de mon expérience personnelle en tant que Guadeloupéenne.
1. Une culture du crédit profondément ancrée
J’ai toujours été choquée de constater qu’on puisse accéder si facilement à certains crédits, sans justificatifs solides. Et tout autant choquée de constater que vivre à crédit, à découvert puisse être considéré comme un mode de vie. Bien sûr, j’en parle car il m’est aussi arrivé d’avoir recours à des crédits et connaissant le coût réel d’un tel dispositif, je me demande comment ou pourquoi l’accès au crédit à la consommation me semble si « simple » sur nos territoires insulaires ?
D’un côté, les établissements financiers proposent des taux d’intérêt plus élevés qu’en Hexagone, les concessionnaires proposent des conditions très souples (« acheter maintenant, payer dans 6 mois ») et de l’autre côté, il y a une acceptation collective du crédit pour « profiter de la vie » que ce soit pour faire le carnaval, pour acheter une paire de chaussures de luxe tout en étant au SMIC, pour se payer une belle et grosse voiture, pour s’acheter régulièrement ds tenues qui vont permettre de se pavaner dans les brunchs et soirées – faire la société comme on dit, donner l’impression d’être quelqu’un…
Tout cela, toute cette incitation à la consommation alors qu’un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté (moins de 1 000 €) et qu’une large part gagne moins de 2000 € (source : Insee). Pour moi, ces choix traduisent nos priorités de vie; de mon constat, la validation sociale par l’apparence supplante bien souvent la stabilité financière mais aussi ce que l’on est vraiment au fond de soi. Comment, dans un contexte de vie chère, peut-on faire des choix aussi peu raisonnables ? Champagne, fêtes, voyages, objets de luxe sont-ils vraiment les symboles de la réussite ?
Petit disclaimer : Il n’est jamais trop tard pour bien faire, pour se réinventer et bâtir des fondations solides, que cela soit au niveau de ses finances ou de son être.
2. Consommer pour exister : le poids du paraître
« J’achète donc je suis » ou plutôt « j’achète donc j’existe ! » . Descartes me pardonnera, le parallèle est trop évident.
Dans une société où la publicité prône la consommation comme un exutoire, un remède aux frustrations du quotidien, consommer devient presque une expression identitaire. Je consomme DONC j’ai de la valeur. Si je ne consomme pas, je suis invisible DONC je ne suis rien. La valorisation de soi passe par ce que l’on possède et c’est bien là que réside le drame.
Attention, je ne suis pas là pour dire qu’acheter, c’est mal ; qui n’a jamais ressenti ce petit frisson d’existence en achetant un objet de désir ? Qui ne s’est jamais dit qu’il fallait « avoir l’air » pour être pris au sérieux ? Pas tant dans le « fake it until you make it », mais plutôt dans le « fake it tout court ». Le jour où j’ai personnellement compris que je me définissais par mon pouvoir d’achat, j’ai compris qu’il y avait un problème, j’ai compris que j’avais un problème avec l’argent. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles je tiens à démocratiser ce sujet qu’est la relation personnelle à l’argent car elle en dit long sur notre fonctionnement, notre éducation, notre culture. En Guadeloupe, comme en Martinique, ce besoin de reconnaissance s’inscrit dans une histoire collective : l’esclavage, les périodes « tan sorin » ou « tan robè », la départementalisation comme bouée de sauvetage. Je pourrais aller plus loin, mais ce sera peut-être l’objet d’un prochain billet.
Aujourd’hui, je veux surtout alerter et parler de solutions. Non pas juste d’outils techniques essentiels à la gestion financière saine (budget, investissement, etc) mais plutôt de psychologie de l’argent. En tant que Spécialiste de la Relation à l’Argent, je vous propose de commencer par l’essentiel :
- Déconstruire le lien entre paraître et valeur personnelle : en gros, tu n’es pas ce que tu consommes, tu es encore moins ce que tu possèdes.
- Réinterroger nos priorités : où va notre argent ? suis-je conscient de mon rôle dans l’économie ? comment consommer consciemment ?
- Changer notre récit collectif en valorisant l’autonomie, la sobriété, la solidarité.
- Lever le tabou de l’argent pour construire une culture plus consciente dès le plus jeune âge
Conclusion – Choquer pour (r)éveiller
Consommer (et s’endetter parfois) pour avoir exister, pour être « quelqu’un » n’a rien de très sain. Par exemple, avoir une traite de voiture qui représente 50 % de son budget mensuel, vivre à découvert toute l’année n’ont jamais été des signes de bonne santé financière.
Et si on mettait fin à ce théâtre ? Et si on sortait de cette illusion ?
Je sais, cela demande du courage : celui de remettre en question ses habitudes, ses croyances et parfois même, une partie de notre identité sociale.
Mais c’est un passage nécessaire si l’on veut retrouver du pouvoir sur nos choix, sur nos finances, sur notre vie.
Je ne suis pas là pour plaire ni pour donner des leçons. J’ai moi aussi eu mes périodes de vache maigre. Mais il est important pour moi d’apporter ma pierre à l’édifice en alertant, en secouant mais aussi en proposant. À nous maintenant de désapprendre pour reconstruire.
Et toi, tu choisis quoi ?
Lien de l’article :
Voilà, c’est fini pour aujourd’hui !
Cet article est un peu différent des autres ; ce n’est pas vraiment un témoignage, ni un partage d’expertise.
Ici, je souhaite vous montrer une autre facette de moi – celle qui émet des critiques constructives – toujours dans le but de vous faire vibrer et de vous conscientiser sur la relation à l’argent et l’éducation financière.
Il n’est jamais trop tard pour s’éveiller ou se réveiller.
A très bientôt
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